Burakumin, une discrimination ancestrale

À l’occasion du centenaire de la Suiheisha ou Société des niveleurs luttant pour la défense des droits des Burakumin, un retour en arrière semble nécessaire pour comprendre cette ségrégation ancestrale au Japon. 

Ils sont environ 3 millions au Japon. Trois millions de personnes qui subissent encore aujourd’hui le poids de leur passé. Leurs ancêtres pouvaient être des hinin (非人, “non-humains”), des gens pauvres qui vivotaient et se tournaient vers les métiers de bourreaux ou de fossoyeurs pour subvenir à leurs besoins. Ils pouvaient également être des eta (穢多, “beaucoup de souillures”), des tanneurs, des bouchers. Tous sont appelés Burakumin (部落民) ou personnes des hameaux.

La puanteur des carcasses animales était telle que ces professions ont dû élire domicile dans des hameaux, plus éloignés des centres villes. Dans un pays profondément bouddhiste et shintoïste, donner la mort à des êtres vivants d’un côté et travailler le sang de l’autre étaient considérés comme des souillures, des impuretés qui ne les intégreraient jamais à la société. En 1870, après la fin de l’ère Edo et l’ouverture du Japon, les Burakumin n’avaient pas le droit de sortir en même temps que les autres citoyens, ils ne pouvaient ni boire ni manger dehors. 

Le gouvernement tente alors de venir en aide à cette population et abolit les lois discriminantes. L’effet est immédiat. Ces métiers jusque-là réservés aux Burakumin entrent en tension et ces derniers n’ont plus aucun revenu. Deux choix s’offrent à eux : accepter les aides de l’État ou se tourner vers le milieu du crime. Les spécialistes considèrent d’ailleurs que 70% des membres de la Yamaguchi-gumi, le plus important clan de yakuza du Japon, seraient des Burakumin. Au total, c’est 60% des yakuza qui auraient des origines en lien avec les hameaux.

Cette exclusion se limite finalement au lieu de vie. L’adresse d’une maison suffit à enfermer ses habitants dans des préjugés comme leur soi-disant dangerosité. En 1922, la Société des niveleurs est créée afin de lutter contre les discriminations envers les Burakumin. En 1955, une partie de cette société se regroupe sous le nom de Ligue de libération des Burakumin et se rapproche du parti socialiste. Malgré les combats menés par ces mouvements, la seule solution rabbachée est de démanteler ces buraku (hameaux). Mais il ne faut pas oublier l’importance de ces lieux hérédités et familiaux pour ces personnes. Les détruire ne fera pas disparaître la haine. D’autres pointent la dépendance des Burakumin aux aides de l’État et les traitent d’assistés. Une phrase bien connue même en France qui semble faire le tour du monde…

Des siècles plus tard, leurs descendants subissent encore cette discrimination. Jean-François Sabouret expliquait à Mediapart qu’« il y a encore des familles qui, au moment d’un mariage, font appel à des détectives pour savoir si leur fille n’est pas en train de s’amouracher d’un Burakumin. Cela coûte cher (environ 2500 euros), mais ce n’est rien à côté de s’apercevoir trop tard que l’époux de votre fils ou vos petits-enfants sont issus des descendants de la caste discriminée…». Les mêmes phénomènes sont également observées au travail avec un salaire moins élevé ou un refus d’embauche, à l’école avec de violentes brimades mais aussi pour le logement où des propriétaires peuvent purement et simplement refuser un dossier parce que le locataire est un Burakumin. 

Bien que les ligues de défense des droits des Burakumin aient été mises en place, les mentalités ne changent pas. Il existe encore des annuaires répertoriant tous les Burakumin, bien que cette pratique ait été interdite en 1976… Un centenaire qui fera peut-être prendre conscience aux Japonais de leurs comportements discriminatoires envers les Burakumin mais aussie les Aïnous ou les Zainichi…

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