Aïnous contre Japonais : un combat en sourdine

Malmenés par les Japonais depuis des siècles, les Aïnous réussissent peu à peu à faire reconnaître leur culture et leur langue ancestrales, issues des contrées septentrionales du Japon. Mais le chemin est encore long pour que le peuple aborigène soit réellement respecté par ses voisins nippons.

Peu nombreux mais vivement discriminés. Selon le gouvernement, ils seraient environ 25 000 mais d’autres sources estiment qu’il y a 200 000 Aïnous à Hokkaido, l’île au nord du Japon, et dans les îles Kouriles et Sakhalin. Leur nombre est incertain car ils se cachent et ne révèlent jamais leur identité, de peur d’être discriminés par les Wajin, la population majoritaire au Japon, que l’on pourrait traduire par “peuple japonais”. Tsugumi Matsudaira est une jeune chanteuse et danseuse aïnoue. Elle raconte à l’association Cultural survival la honte de ses origines, instiguée par le gouvernement japonais depuis des décennies. “Si nous nous présentons comme étant aïnou en recherchant un travail, nous sommes refusés. Si nous voulons nous marier, les familles [japonaises] ne veulent pas de nous dans leur maison.” raconte-t-elle. Selon la Ainu Association of Hokkaido, dans un rapport datant de 2018, 23,4% des Aïnous ont conscience d’avoir été discriminés à cause de leurs origines et dont 50% qui l’ont été à leur travail, par les ressources humaines qui connaissent leurs origines.

Ils ont longtemps été moqués et isolés à cause de leur mode de vie de chasseurs-cueilleurs et leur société matriarcale et chamanique, aux antipodes de celle des Japonais. Le gouvernement japonais a même mis en place une politique d’assimilation forcée en interdisant les rites aïnous et en les forçant à travailler pour des entreprises de pêche japonaises. Ce n’est qu’en 1997 que le Japon a voté la Loi pour la promotion de la culture aïnou et pour la diffusion et le soutien des traditions aïnous et de la culture des Aïnous. Tahara Ryoko, un Aïnou, s’indigne auprès de la chercheuse américaine Tessa Morris-Suzuki, de cette loi qu’il juge bien insuffisante. “La culture aïnoue ne se limite pas à la langue, aux cérémonies ou aux danses. Tout ce qui se passe quotidiennement dans les foyers aïnous est la culture aïnoue”, rappelle-t-il.

Une nouvelle loi a été votée en avril 2019, après les nombreuses pressions du peuple aïnou. Le Japon reconnaît officiellement les Aïnous comme peuple aborigène du Japon, un premier pas dans la déconstruction en marche sur l’archipel qui a, depuis des décennies, promu une société totalement uniforme. Cependant, les incidents racistes et les discriminations ne se sont pas arrêtés pour autant. Bon nombre de Japonais les discriminent toujours à cause “de leur apparence et de leur pauvreté”, nous explique Yurino Yamazaki, une japonaise de 23 ans, consciente des vices de son pays. Une apparence particulière de par leurs origines australiennes ou sibériennes selon les études et de par leur tradition du tatouage, très mal vu au Japon.

Le mois dernier, le peuple aïnou a de nouveau subi des insultes de la part des Wajin. Un comédien d’une émission de la chaîne Nippon Television Network les a appelé “inu” (“chien” en japonais) alors qu’il présentait un documentaire sur les femmes aïnoues. Un comportement que Yurino Yamazaki met sur le compte de l’ignorance, “on ne nous a jamais parlé des Aïnous en classe”. S’intéresser à l’histoire aïnoue semble être la solution vers le respect.

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